Afrique : Un baromètre en position mitigée

Le sentiment des chefs d’entreprise à l’égard de l’Afrique n’a pas sensiblement changé en un an, constate le baromètre du CIAN. L’Afrique de l’Ouest s’en sort plutôt bien, tandis que l’Afrique centrale, bien qu’en progrès, reste à la traîne.

Par Aude Darc

Chaque année, le baromètre du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN) vient prendre le pouls de la confiance des chefs d’entreprise à l’égard du continent. Cette année, il revêt une importance singulière, dans le contexte de crise sanitaire. Ce baromètre, qui sera discuté ce 18 mars 2021 au cours d’un séminaire en ligne, témoigne néanmoins de la résistance de l’Afrique face à l’adversité ; les projets demeurent et nombre d’investissements repoussés en 2020 seront conduits cette année. Le CIAN a collecté 820 réponses en provenance de 44 pays.

Depuis 2017, les entreprises tablaient régulièrement sur la croissance de leurs activités en Afrique. En 2020, cette prévision est devenue plus délicate. La situation a fait perdre entre 20 % et 35 % de leur chiffre d’affaires aux entreprises, sur l’exercice écoulé.

Les critères liés à l’administration sont jugés « avec sévérité ». Dans l’ensemble, la qualité du système bancaire donne satisfaction. Sauf pour le financement des importations par les banques, critiqué partout sauf en Afrique du Nord.

Ainsi, plus de 70% des dirigeants d’entreprises présents en Afrique du Nord et en Afrique centrale estiment que la Covid-19 a beaucoup perturbé leur activité, tandis qu’en Afrique de l’Ouest et en Afrique australe et de l’Est, certains se déclarent moyennement impactés. En Afrique du Sud, pourtant l’un des pays les plus touchés, 38 % des participants à l’enquête estiment que l’épidémie n’avait que faiblement affecté leur activité. La plupart considèrent aussi que les effets de la crise sanitaire perdureront en 2021, mais ont du mal à l’appréhender précisément. Les pays qui, selon les dirigeants interrogés, s’en sortiront le mieux, sont ceux d’Afrique de l’Ouest, Madagascar, l’Afrique du Sud, la Centrafrique, la Mauritanie et l’Égypte.

Au global, 56% des entreprises annoncent pour 2020 un recul de leur chiffre d’affaires, en particulier en Afrique centrale (Cameroun, Congo et RD Congo, Gabon, Tchad), en Afrique du Nord (Maroc, Tunisie) et à Djibouti et en Tanzanie.

Reports d’investissements

En Afrique de l’Ouest, le Mali et le Nigeria sont en recul. De son côté, l’attrait pour la Côte d’Ivoire, pays marqué par une période électorale tendue, a « marqué le pas », pour la moitié des entreprises interrogées, relève le CIAN. Idem pour le Burkina Faso et le Ghana. Au contraire, l’Afrique du Sud, le Kenya, le Bénin, la Centrafrique et l’Égypte sont les plus dynamiques : 40% à 60% des dirigeants y annoncent un chiffre d’affaires en croissance. Malgré cette morosité, 59% des chefs d’entreprise anticipent un exercice 2020 à l’équilibre ou bénéficiaire. Notamment à Madagascar, Maurice, Kenya, Égypte et Mauritanie.

Beaucoup d’entreprises ont interrompu leurs investissements, les reportant à 2021. Fort logiquement, les pays qui attireront le plus les opérations en capital sont ceux qui ont conservé des bénéfices, en 2020. Égypte et Mauritanie, Djibouti Kenya, Éthiopie, Madagasacar et Maurice, ainsi que le Mozambique et l’Angola, verront un accroissement des engagements financiers.

En matière de climat des affaires, la réalité africaine est plus complexe que la lecture du classement Doing Business de la Banque mondiale, et des engagements des pays pour y progresser. Une fois encore, « les chefs d’entreprise attendent davantage de l’environnement économique, fiscal et social des pays africains », commente le CIAN. Aussi, le baromètre CIAN reste figé sur une note de 2,5 points sur 5, depuis trois ans. L’ensemble formé par les pays d’Afrique australe, de l’Est, et l’océan Indien obtient la meilleure note globale (2,8), suivi de l’Afrique du Nord (2,7), tandis que l’Afrique centrale demeure à la traîne (2/5). Les pays d’Afrique du Nord (hors Libye), six pays d’Afrique de l’Ouest (dont le Burkina Faso) parviennent à dépasser la moyenne. En Afrique centrale, seul le Cameroun y parvient, mais le Congo et le Gabon s’en approchent.

Sur la totalité du panel, Maurice et le Maroc arrivent en tête, talonnés par le Mozambique et l’Afrique du Sud. À noter que la Tunisie a perdu des points par rapport à 2019, malgré un très bon niveau d’infrastructures, un coût des facteurs et un environnement social favorables. Néanmoins, les entreprises ne perçoivent pas un climat des affaires propice aux investissements, en raison d’une faible incitation de l’administration, le manque de soutien des banques et le fort impact du secteur informel. L’Algérie recule aussi : son administration est perçue comme peu favorable et le pays reste pénalisé par les nombreuses coupures du réseau Internet.

« On craignait le pire, il a été évité. »

accès et coût du crédit aux entreprises
Accès et coût du crédit aux entreprises

Les pays d’Afrique de l’Ouest progressent. Au Burkina Faso, le travail des Douanes et l’environnement fiscal sont jugés satisfaisants. Le Ghana, le Sénégal et le Togo rassurent en matière de sécurité des personnes, tandis que la Côte d’Ivoire présente un profil attractif en matière d’infrastructures et d’environnement social. Le pays a quelques progrès à faire en matière de Douanes, de système judiciaire et d’accès au crédit. À noter que Mali et Guinée ferment la marche du classement régional.

Au-delà des aléas conjoncturels, les progrès de l’Afrique sont salués : partout, les infrastructures se renforcent. Les télécoms et l’accès à l’Internet donnent de plus en plus de satisfaction. Reste le point noir de l’accès à l’électricité, notamment en Afrique centrale ; ce thème reste aussi un point faible en Afrique de l’Ouest, sauf pour la Côte d’Ivoire et le Sénégal.

Les critères liés à l’administration sont jugés « avec sévérité » ; seuls le Rwanda, la Zambie, le Maroc, Maurice, se distinguent pour leurs incitations aux investissements privés. Dans l’ensemble, la qualité du système bancaire donne satisfaction. Sauf pour le financement des importations par les banques, critiqué partout sauf en Afrique du Nord.

En matière de sécurité des personnes, la note globale est en baisse ; pour autant, ce critère ne paraît pas constituer une préoccupation majeure dans la conduite des affaires, car les entreprises ont intégré cette dimension dans leur fonctionnement quotidien. Au plan des coûts, si celui de la main-d’œuvre est un des principaux atouts de l’Afrique, celui de l’électricité reste élevé.

Le baromètre dresse là « un panorama mitigé et assez stable qui traduit bien le sentiment de résilience et de résistance à la crise que donne l’Afrique », résume Sandrine Sorieul, directrice générale du CIAN. Qui conclut : « Au printemps 2020, on craignait le pire, il a été évité. »

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