Au Sahara occidental, le grand désarroi du ferrailleur de Guerguerat

Après la rupture du cessez-le-feu vieux de trente ans par le Front Polisario, le Maroc a «sécurisé» le 13 novembre cette zone tampon.

Pour Kamal Zerfi, patron d’une improbable casse automobile située dans la zone tampon de Gerguerat, à la frontière de la Mauritanie, le récent déploiement des forces armées marocaines a sonné le glas d’un commerce lucratif.

« On a emmené mon stock à la fourrière ! », se lamente cet homme de 42 ans venu tenter sa chance il y a une dizaine d’années dans ce no man’s land que le Maroc a « sécurisé » le 13 novembre sous les yeux de la force de paix des Nations unies, dans une région disputée par les indépendantistes du Front Polisario.
Kamal Zerfi n’a jamais apprécié les « apaches » du Front Polisario qui venaient régulièrement bloquer la route construite selon eux en violation de l’accord de cessez-le-feu signé en 1991 sous l’égide de l’ONU.

Le ferrailleur originaire de Marrakech (sud du Maroc) se dit convaincu de la légitimité historique de son pays dans l’ancienne colonie espagnole considérée comme un « territoire non autonome » par l’ONU. « Nous, on reconnaît la souveraineté du Maroc », précise-t-il en soulignant que les blocus du Polisario n’étaient pas bons pour les affaires dans ce coin de désert surnommé « Kandahar » en référence aux trafics du sud afghan.

« Certains ont tout perdu »


Mais, à son grand désespoir, sa casse automobile va être déblayée. Il lui faut renoncer à son commerce développé grâce au statut spécial de la zone, une activité que les douanes marocaines considèrent comme « illégale », même si lui la trouve « légitime ».

Des plaques d’immatriculations enfouies dans le sable permettent d’identifier l’origine des stocks de la casse : Maroc, France, Italie, Espagne, Allemagne – l’origine la plus recherchée par les acheteurs mauritaniens selon lui. Selon le ferrailleur, « certains ont tout perdu » depuis que les forces marocaines ont pris position dans la zone démilitarisée pour sécuriser un axe routier essentiel pour les échanges commerciaux avec la Mauritanie et l’Afrique de l’Ouest.
Le Front Polisario a déclaré « l’état de guerre » et rompu le cessez-le-feu vieux de trente ans, signé sous l’égide des Nations unies. L’ONU s’efforce depuis de prévenir le risque d’escalade et de revenir à un règlement politique.

Sans attendre, Rabat a fait construire un mur de sable pour sécuriser la route jusqu’au poste frontière où pavoisent désormais des drapeaux marocains. Et les forces de l’ONU semblent absentes, comme a pu le constater l’AFP. Des pelleteuses déblaient le terrain parsemé de détritus et d’épaves que les ferrailleurs désossent pour leurs pièces détachées. Des dépanneuses emportent les voitures en bon état, les autres sont incendiées dans des volutes de fumée noire.

« Le trafic passe par ailleurs »


Les « parkings » de la zone ont longtemps servi de dépôt pour diverses marchandises en provenance de Mauritanie, apportant un revenu appréciable à leurs « gardiens » locaux. Depuis le déploiement des Marocains, « ceux qui avaient déposé des marchandises les ont récupérées, mais ceux qui les gardaient sont restés sans rien », déplore Kamal Zerfi. « J’espère que la situation va se régler et qu’on va nous trouver des emplois », dit-il.

Et si le poste frontalier a longtemps servi de transit pour le convoyage du cannabis produit dans le nord du Maroc, le ferrailleur assure que « le trafic passe par ailleurs » depuis longtemps. En août 2016, le Maroc avait lancé une série d’opérations pour « combattre la contrebande, le trafic de drogue et toutes les formes de commerce illégal » dans la région de Guerguerat, suscitant des tensions avec le Front Polisario.

A l’époque, l’ONU avait fini par convaincre les deux camps d’évacuer la zone tampon. Les négociations entre le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie et le Front Polisario sur l’avenir du territoire sont au point mort depuis 2019.

Le Monde avec AFP

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