Des commerçants en détresse interpellent Alpha Condé: “Ouvrez les frontières”

KOUNDARA-Fermées à la veille de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020, sur instruction du président Alpha Condé, les frontières terrestres entre la Guinée, la Sierra Leone, le Sénégal et la Guinée-Bissau peinent à rouvrir. En prenant cette décision, le dirigeant guinéen invoquait à l’époque des manœuvres de déstabilisation contre la Guinée, venant de ces trois Etats voisins. Plus de deux mois après, la mesure reste toujours maintenue.

Cette décision unilatérale de Conakry, a provoqué de lourdes conséquences pour les transporteurs routiers et les opérateurs économiques qui ont enregistré d’énormes pertes. Reportage à Koundara.

Située au Nord du pays, la préfecture de Koundara est traversée, du nord au Sud, par la route nationale N°5 entre Bensané et la frontière du Sénégal et d’est en ouest, par la route nationale N°9 entre Termessé et Kandikka à la frontière de la Guinée-Bissau. L’opportunité qu’offrent ces deux routes aux opérateurs économiques de l’l’import-export et aux conducteurs se trouvent être entravée par la fermeture des frontières avec le blocage du commerce entre les deux pays. Commerçants et transporteurs routiers sont aujourd’hui dans le qui-vive. Ils interpellent le président Condé et son gouvernement.

“Koundara est une zone transfrontalière de la Guinée Bissau. De là, nous exportons des produits locaux comme le Fonio, le Taro, des mangues au Sénégal jusqu’en Mauritanie. Avec la fermeture de la frontière tout est bloqué. Il y a certaines familles qui n’arrivent plus à trouver à manger parce que leur business est à l’arrêt. Le marché de Diaoubhé, au Sénégal est la plaque tournante de la région. Nous demandons à l’État de faire face à ce problème qui freine toutes les activités génératrices de revenus dans le Badiar », plaide Mamadou Lamarana, commerçant.

Mamoudou Diallo a embrassé le commerce import-export depuis 21 ans. Il vit de cette activité. Selon lui, il n’a jamais été aussi durement frappé économiquement. Une situation provoquée par cette fermeture des frontières. «Après mon échec au BEPC en 1999, j’ai commencé de faire le banabana (petit commerce) en exerçant le commerce des fruits depuis 2001. J’ai gagné ma vie avec ça, mais la fermeture de la frontière a tout bouleversé. Je n’arrive plus à joindre les deux bouts en ce moment. Nous interpellons les autorités au haut niveau, le ministère du commerce pour régler ce problème», a-t-il lancé.

« C’est vraiment regrettable pour un Etat. En 2007, c’est comme ça qu’ils ont fait perdre beaucoup de commerçants au temps de Lansana Kouyaté, ancien premier ministre. À l’époque, ils ont bloqué des fruits à l’exportation alors que tous les Etats ont encouragé la production et faciliter l’exportation pour lutter contre la pauvreté», rappelle cet autre commerçant.

Veuve et mère de famille, Harouna Ndiaye dit avoir presque tout perdu. Ses enfants n’ont pas pu reprendre le chemin de l’école, faute de moyens. Ses pertes s’évaluent à plus de 30 millions de francs guinéens. «Nous traversons des moments très difficiles à Koundara. Je suis veuve et mère. Ils ont saisi ma marchandise à la frontière et finalement j’ai tout perdu. Mes enfants n’ont toujours pas pu reprendre le chemin de l’école.  Une marchandise d’une valeur de 30 millions Gnf, j’ai tout perdu. C’est ce commerce qui me permettait de financer la nourriture et l’éducation de mes enfants, mais aujourd’hui je n’ai rien», raconte-t-elle fustigeant “ la sourde oreille” du gouvernement.

« En vérité, nos dirigeants n’ont pas pitié de nous. Sinon, ils n’allaient pas agir de la sorte. Les pertes qu’on a enregistrées ici seul Dieu connait l’estimation. Nous voulons interpeller le gouvernement mais c’est lorsqu’on a la certitude qu’il nous écoute, malheureusement ce n’est pas le cas. Même dans ton propre pays quand tu sors pour te débrouiller, les agents des services de sécurité  te rançonnent à chaque barrage. On ne peut demander de l’aide à son gouvernement que si celui-ci est prêt à t’écouter mais si lui-même est complice de ton malheur que faut-il faire ? C’est vraiment très difficile, on est arrivé à la limite de la souffrance, seul Dieu peut nous aider. Aux gouvernants, ce que je peux leur dire, c’est que moi, étant veuve, si la circulation est libre, je peux me débrouiller pour nourrir mes enfants et payer leur scolarité, mais s’ils ne peuvent pas nous aider à ce que cela soit possible, franchement je ne sais plus quoi dire », déplore-t-elle.

Inquiet de la situation, le président de la chambre préfectorale du commerce interpelle les autorités. «Depuis que les frontières ont été fermées, beaucoup de camions sont garés des deux côtés de la frontière. C’est une doléance que nous demandons auprès de l’État pour rouvrir les frontières. Parce que ce qui est clair, beaucoup de marchandises sont périssables dans les camions. Actuellement c’est décembre, mais à Koundara ici il fait excessivement chaud et mêmes les gens qui ne sont pas habitués ont du mal à y rester. Nous plaidons vraiment l’État pour qu’il accepte de libérer les frontières ”, invite Alhassane Bah.

Interpellé sur la situation, le directeur préfectorale de douane de Koundara n’a pas souhaité s’exprimer n’ayant “pas obtenu l’autorisation de la hiérarchie”.

La décision des autorités de Conakry constituent une violation de l’article 59 du Traité de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui confère  aux citoyens de la sous-région   “le  droit d’entrée, de résidence et d’établissement” à l’intérieur des Etats membres, mais également du Protocole de Dakar du 25 mai 1979 sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d’établissement.

Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 664-72-76-28

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