La chute du président mauritanien

La rupture est consommée entre le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani et son prédécesseur, Mohamed Ould Abdel Aziz, alors que le premier était le dauphin du second. L’ancien général putschiste et président de la Mauritanie de 2009 à 2019 a été inculpé et placé sous contrôle judiciaire, jeudi 11 mars pour, notamment, « trafic d’influence, abus de fonctions, enrichissement illicite, recel de produit du crime, entrave à la justice, blanchiment d’argent ».

Deux anciens premiers ministres, trois anciens ministres, six hommes d’affaires et dirigeants d’établissements publics ont également été inculpés pour cette série de crimes économiques dans le dossier dit « de la décennie », en référence aux deux mandats du président.

L’enquête judiciaire a été ouverte en août 2020, à l’issue d’une commission d’enquête parlementaire sur les attributions de marchés publics, la vente de foncier public et la gestion de secteurs clés de l’économie, tels le pétrole ou la pêche, sous l’ère Aziz. Des biens ont été gelés ou saisis pour un montant évalué à 96 millions d’euros, dont 67 millions revenant à l’ex-président et 21 millions à son gendre, Mohamed M’Sabou, a laissé entendre le parquet sans nommer les intéressés.

Le vent a rapidement tourné entre le président Ghazouani, dès son élection en juin 2019, et son prédécesseur. Les deux généraux, tous deux âgés de 64 ans, se sont pourtant côtoyés pendant quarante ans, depuis qu’ils ont, ensemble, fait leurs classes à l’Académie royale militaire de Meknès au Maroc. Mohamed Ould Ghazouani a été aux côtés de Mohamed Ould Abdel Aziz lors des coups d’État de 2005 et de 2008. Chef d’état-major de l’armée pendant dix ans, il est devenu ministre de la défense lors de la dernière année du deuxième mandat Aziz.

« Les deux hommes étaient sur la même longueur d’onde en matière de sécurité », relève Benjamin Augé, chercheur à l’Institut français de relations internationales. Le président Aziz a participé à la création du G5 Sahel et a joué un rôle clé dans la lutte contre les groupes armés dont son pays est resté à l’abri depuis 2011.

« Mais c’est bien là leur seul point commun, Aziz a beaucoup profité du pouvoir et pour cela, a été honni par les Mauritaniens. Il a cru qu’avec Ghazouani à la tête du pays, il serait à l’abri et resterait le vrai patron du pays », poursuit le chercheur. Mais face à son arrogance, le président Ghazouani a vite pris ses distances et accordé toute latitude d’action à la justice pour le mettre à l’écart avec, visiblement, la collaboration d’anciens proches du président Aziz. Aujourd’hui celui-ci se retrouve seul, sans personne pour le défendre.

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