Le changement du statut juridique du Sahara qui bénéficie au Maroc

Le changement du statut juridique du Sahara qui bénéficie au Maroc

Le référendum n’est plus une option       

Le langage que l’ONU a adopté dans ses documents officiels à la suite de l’ouverture des consulats au Sahara et de la décision de Trump, ainsi que son comportement passif et manque de protestation quant aux prétentions du Maroc sur le territoire ont eu comme effet un changement de sa position relative sur le conflit.

Alors que tout le monde parle du mérite légal et politique de la décision de l’ancien Président américain Donald Trump de reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara, on oublie un développement d’une importance capitale: la réaction du Secrétariat général des Nations Unies et le langage utilisé dans ses communiqués. C’est la clé du futur du conflit.

N’en déplaise aux supporters du Polisario, l’Onu n’a pas dit que la décision de Trump ne préjuge pas du statut du Sahara comme Territoire Non Autonome ou que le référendum est le moyen de mettre fin au conflit. Elle n’a pas non plus exprimé d’opposition à cette décision.

À la suite de la décision de Trump, le porte-parole du Secrétaire général de l’Onu, Stéphane Dujarric, a déclaré que la position de l’Onu reste inchangée, soulignant que le Secrétaire général est «convaincu qu’une solution à la question du Sahara occidental est possible, et ce, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité 2440 (2018) et 2548 (2020).»

Lorsqu’un journaliste lui a demandé pourquoi Antonio Guterres n’appelait pas à la tenue d’un référendum d’autodétermination et s’il le soutenait toujours, M. Dujarric a souligné que le Secrétaire général travaillait à la mise en oeuvre des résolutions du Conseil de sécurité. M. Dujarric a fait une déclaration similaire le 11 décembre et après la réunion du Conseil de sécurité du 21 décembre, soulignant une fois de plus que le Secrétaire général continue de croire qu’une solution est possible par le biais du dialogue conformément aux résolutions du Conseil de sécurité.

M. Dujarric a été clair dans ses déclarations et ses réponses aux journalistes. Il n’a mentionné aucune résolution de l’Assemblée générale sur le référendum d’autodétermination ni l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice, que les partisans du Polisario utilisent encore comme référence du conflit. Il n’a pas non plus mentionné les dispositions du plan de règlement de 1991.

M. Dujarric a clairement déclaré que les résolutions du Conseil de sécurité sont le cadre du processus politique et de la recherche d’une solution politique. Or, le dénominateur commun des résolutions 2440, 2464, 2494 et 2548, c’est l’accent mis sur la nécessité pour les parties de parvenir à une solution juste, mutuellement acceptable et fondée sur des compromis.

En outre, l’Algérie a été pour la première fois mentionnée comme «partie prenante» dans la Résolution 2440 et les résolutions suivantes, ce qui laisse penser que le Conseil de sécurité la considère et non plus comme un simple observateur ou pays voisin. Par ailleurs, dans son dernier rapport au Conseil de sécurité en septembre 2020, le Secrétaire général a clairement indiqué que ce sont là les paramètres du processus politique, appelant les parties à montrer leur volonté de parvenir à une solution politique basée sur le compromis, conformément aux résolutions susmentionnées.

La fin des aspirations des indépendantistes et de l’Algérie

Or c’est là le point qui sonne le glas des aspirations des indépendantistes et de l’Algérie d’empêcher le Maroc de parachever son intégrité territoriale. Ce langage utilisé par l’Onu n’est pas du tout anodin. Il a plutôt des conséquences juridiques favorables au Maroc.

Du point de vue du principe d’estopell dans le droit international coutumier, à partir du moment où l’Onu n’a pas montré son opposition à la décision de Trump ni dit qu’elle ne change pas le statut légal du Sahara en tant que «territoire non autonome», elle a tacitement accepté la souveraineté marocaine.

Comme Abdelhamid El Ouali, professeur émérite de droit international à l’université Hassan II de Casablanca, l’a expliqué dans une de ses publications sur le conflit du Sahara, ce principe s’applique lorsqu’une partie (dans ce cas-ci l’Onu) à travers ses déclarations, actes ou comportement, a amené l’autre partie (le Maroc) à croire en l’existence d’un état des faits concernant un conflit ou question similaire.

Si ces comportements ou actes ont débouché sur un changement d’attitude ou d’interprétation de la deuxième partie sur la foi des actes de la première partie et, par conséquent, sur un changement de leurs positions relatives, la première partie ne pourra plus faire marche arrière ni imposer une interprétation ou état de faits différent de celui qu’elle a antérieurement représenté comme existant.

La même chose s’applique d’ailleurs à l’ouverture des consulats de presque 18 pays au Sahara. Depuis plus d’un an, l’Onu n’a publié aucun document officiel qui remette en cause ces actes ou rappelé le statut juridique du territoire, et ce, en dépit des lettres de protestations que le Polisario a envoyées au Secrétaire général.

Si l’absence de toute référence au référendum dans toutes les résolutions du Conseil de sécurité depuis 2007 avait déjà enterré cette option, le langage que le Secrétariat général a utilisé à la suite de la décision de Trump et de la réunion du Conseil de sécurité le 21 décembre vient confirmer davantage que l’option du référendum n’est plus à l’ordre du jour et que les négociations en vue de parvenir à une solution basée sur le compromis restent la seule voie envisageable par l’Onu.

Par ailleurs, le Secrétariat de l’Onu a affirmé la centralité des résolutions du Conseil de sécurité comme étant le cadre légal et politique qui régira le processus politique. A travers ce langage, l’Onu a, de son propre chef, assené un coup fatal au référendum d’autodétermination. Ce langage de l’Onu l’empêchera de faire marche arrière. Bien plus, il lui crée des engagements légaux à l’égard du Maroc. En adoptant ce langage, l’Onu a, selon le principe d’estoppel, créé des attentes légitimes chez le Maroc concernant sa position officielle sur le conflit.

En effet, l’Onu a poussé le Maroc à avoir des attentes légitimes, dans ce sens où il est amené à penser que ce langage reflète la position onusienne sur le conflit. Parce qu’elle a créé ces attentes légitimes, l’Onu devient liée par ce langage et ne pourra plus le changer. Selon le principe d’estoppel, à partir du moment où l’Onu n’a pas exprimé son opposition, ni fait référence au référendum, mais a plutôt dit que les décisions du Conseil de sécurité sont la base de toute solution politique du conflit, elle a amené le Maroc à croire qu’elle ne considère plus le référendum comme étant le moyen de mettre fin au conflit.

Dans le même temps, elle a aussi amené le Maroc à croire que celle-ci ne considère pas l’ouverture de consulats comme étant des violations du statut juridique du Sahara comme «territoire non autonome», reconnaissant, ainsi, tacitement sa souveraineté sur le territoire. Si l’Onu croyait fermement que la solution du conflit passe uniquement par le référendum, rien ne l’empêchait de publier un communiqué ou autre document officiel pour clarifier sa position et dire que les paramètres du conflit restent les mêmes depuis 1991 et que le référendum reste la condition sine qua non pour toute solution possible.

Rien ne l’empêchait non plus d’en faire de même en ce qui concerne l’ouverture de consulats au Sahara et dire clairement que cette ouverture n’est pas en conformité avec le droit international. Si elle l’avait fait, elle aurait envoyé un message au Maroc et aux pays qui pensent ouvrir des consulats au Sahara que leurs actes ne préjugent aucunement du statut juridique du territoire.

Le précédent de Jérusalem

Pourtant, elle a choisi de ne pas le faire. L’acquiescement ou consentement de l’Onu et le langage qu’elle a adopté dans ses documents officiels à la suite de l’ouverture des consulats au Sahara et de la décision de Trump, ainsi que son comportement passif et manque de protestation quant aux prétentions du Maroc sur le territoire ont eu comme effet un changement de sa position relative sur le conflit et, par voie de conséquence, le changement de son statut juridique.

Cette position de l’Onu est aux antipodes de celle qu’elle a adoptée à la suite de la décision du Président Trump de transférer l’ambassade américaine en Israël de Tel Aviv à Jérusalem. Dans ce cas-là, le Secrétaire général a rapidement exprimé son opposition à l’action unilatérale des Etats Unis. M. Guterres a dit: «J’ai toujours dénoncé toute mesure unilatérale qui compromettrait la perspective de paix pour les Israéliens et les Palestiniens. En ce moment de grande anxiété, je tiens à dire clairement : il n’y a pas d’alternative à la solution à deux États. Il n’y a pas de plan B».

De plus, huit membres du Conseil de sécurité, dont la France et la Grande Bretagne, ont convoqué une réunion et exprimé leur opposition à la décision de Trump. Quelques jours plus tard, l’Assemblé générale a adopté une résolution qui la rejetait par 128 voix, contre 9 et 35 abstentions. En exprimant son opposition à la décision de Trump, l’Onu a dit clairement que cette dernière ne change en rien le statut juridique de Jérusalem du point de vue du droit international et des résolutions de l’Onu. Par conséquent, la décision de Trump n’a eu aucun impact juridique.

Est-ce que l’Onu s’est exprimée d’une telle façon à la suite de la décision de Trump ou de l’ouverture des consulats de 18 pays au Sahara? Tant s’en faut. Depuis que le Maroc a adopté la diplomatie du consulat, il n’y a eu ni résolution de l’Assemblée générale ni du Conseil de sécurité rejetant sa décision ou exprimant sa préoccupation quant à l’impact de ces actes sur le statut du territoire et sur le processus politique.

Par conséquent, et quoi que disent les pourfendeurs du Maroc, le cadre juridique qui régira la question du Sahara dans l’avenir ne sera plus l’opinion consultative de la Cour Internationale de Justice, ou les dispositions du plan de règlement de 1991, mais les résolutions du Conseil de sécurité.

Ainsi, toute tentative de ressusciter le principe d’auto- détermination tel que souhaité par le Polisario et ses supporters sera vouée à l’échec et prouvera leur attachement à un principe suranné qui a montré ses limites le.

PAR SAMIR BENNIS

Analyste politique basé à Washington

Maroc Hebdo

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