Les Centrafricains ont voté, l’explosion de violence redoutée n’a pas eu lieu

L’explosion de violence redoutée n’a pas eu lieu dimanche lors du premier tour de la présidentielle et des législatives en Centrafrique, mais les observateurs craignent que nombre d’électeurs n’aient pu voter dans ce pays occupé aux deux tiers par des groupes armés dont les principaux mènent une offensive contre le régime du président sortant et favori Faustin Archange Touadéra.

Les groupes rebelles avaient juré, il y a neuf jours, de « marcher sur Bangui » pour empêcher le scrutin, mais ils ont finalement été tenus à distance de la capitale de ce pays parmi les plus pauvres au monde, en guerre civile quasi ininterrompue depuis huit ans.

Ils n’y sont pas parvenu grâce au renfort de centaines de paramilitaires russes, soldats rwandais et Casques bleus de la force de maintien de la paix de la Mission de l’ONU en Centrafrique (Minusca).

« Globalement le vote a eu lieu et les électeurs sont venus. Il y a eu un engouement (…) malgré des petits soucis sécuritaires dans quelques endroits », a indiqué en fin de journée à l’AFP Momokoama Théophile, rapporteur général de l’Autorité Nationale des Elections (ANE).

Un satisfecit contesté par les experts et des observateurs dépêchés pour surveiller le scrutin.

Bangui est resté calme jusqu’à la fermeture, en fin d’après-midi, de la plupart des bureaux de vote. De très nombreux Casques bleus et soldats centrafricains et rwandais ont patrouillé dans tous les quartiers et des blindés blancs de la Minusca surmontés de mitrailleuses ont protégé les bureaux de vote.

« Je veux d’abord la paix et cela passe par le vote », s’est enthousiasmé Roméo Elvin, un étudiant de 24 ans avant de voter au lycée Boganda.

« A Bangui, cela a l’air de bien se passer mais le gros point noir, c’est que les gens ne votent pas du tout dans plusieurs localités. Nous sommes complètement aveugles sur la situation en dehors de la capitale », estimait un observateur de l’UE en soirée, sous couvert de l’anonymat.

Bureaux restés fermés –


Car loin de la capitale, des combats sporadiques ont lieu depuis neuf jours.

Des incidents épars ont été rapportés dimanche et des milliers de personnes ont été empêchées de voter ou privées de leurs cartes d’électeurs jamais arrivées en raison de l’insécurité, selon des responsables locaux et de l’ONU anonymes.

Ainsi, dans le nord-ouest, à plus de 500 km de Bangui, des rebelles ont saisi du matériel électoral à Koui, menacé de tuer des agents électoraux à Ngaoundaye, et quiconque ira voter à Bocaranga, comme dans de nombreuses autres bourgades, selon des responsables locaux et de l’ONU sous couvert de l’anonymat.

Plus près, à Bossembélé, une ville de 50.000 habitants à 150 km de Bangui, « nous n’avons pas reçu les cartes d’environ 11.000 électeurs », s’est désolé une haute responsable de la sous-préfecture.

Dans ce contexte, la question de la légitimité des futurs élus – le président et 140 députés – est déjà posée quand une partie importante de la population n’a pu voter, ou le faire librement et sereinement, en dehors de Bangui, selon les experts et l’opposition.

« Il y a le discours lénifiant qui dit que tout se passe bien à Bangui et on oublie tout le reste. Les groupes armés ont pris en otage la population », estime pour l’AFP Roland Marchal, du Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po à Paris.

« Ces élections sont partielles, non crédibles et ne respectent pas les standards internationaux », renchérit Thierry Vircoulon, de l’Institut français des relations internationales (Ifri). 

Toutefois la journée s’est déroulée sans le chaos que certains prédisaient, même s’il est difficile d’obtenir des informations des territoires occupés ou sous influence des groupes armés.

Les rebelles, habitués en 2013 et 2014 à attaquer des civils abandonnés par une armée alors en déroute, font aujourd’hui face à quelque 11.500 Casques bleus, renforcés jeudi par 300 soldats rwandais Kigali et Moscou ont volé il y a quelques jours au secours du pouvoir de M. Touadéra.

– Opposition dispersée –

La Russie, soutenant ouvertement depuis 2018 le gouvernement Touadéra, a envoyé 300 « instructeurs militaires » – en fait des paramilitaires de société privées russes de sécurité – en renfort de centaines de leurs pairs déployés depuis plus de deux ans. Et le Rwanda a dépêché des soldats d’élite hors Minusca, « des centaines », selon Bangui.

L’opposition avançait en ordre dispersé, avec pas moins de 15 candidats, face à un Touadéra qui a, selon les experts et les diplomates, toutes les chances d’obtenir un second mandat. 

D’autant que l’ex-Président François Bozizé, son plus sérieux rival avant l’invalidation de sa candidature début décembre, a de facto retiré son soutien initial à l’ex-Premier ministre Anicet Georges Dologuélé, en annonçant publiquement dimanche son ralliement à la rébellion et en appelant à boycotter les scrutins. 

Les premiers résultats partiels sont attendus le 4 janvier et définitifs le 19. Un second tour éventuel est prévu pour le 14 février.

Des milliers de personnes ont été tuées depuis le début de la guerre civile, en 2013, quand une coalition à dominante musulmane, la Séléka, a renversé Bozizé.

Les affrontements entre Séléka et milices chrétiennes et animistes anti-balaka ont ensuite fait rage, les deux camps accusés par l’ONU de crimes de guerre et contre l’humanité.

Depuis 2018, la guerre a considérablement baissé d’intensité, les groupes armés se disputant les ressources du pays tout en perpétrant sporadiquement attaques et exactions contre les civils.

AFP

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