Marché du quai à conteneurs au PANPA : Un expert tire la sonnette d’alarme

Lors de sa réunion le jeudi  30 avril, le conseil des ministres a adopté un Projet de décret donnant au Port Autonome de Nouakchott (PANPA) ‘’les attributions nécessaires pour lui permettre de s’adapter aux impératifs induits par les mutations socio- économiques en cours et pour pouvoir jouer pleinement son rôle d’outil de développement.’’
A la faveur du renforcement de ses prérogatives, le PANPA sera désormais en mesure de coordonner l’ensemble des activités portuaires. Pourquoi en ce moment précis ?

Le Port ne coordonnait-il  donc pas toutes les activités portuaires ? En plein débat sur la concession accordée par l’ancien régime à la société Arise pour la construction et l’exploitation d’un quai à conteneurs pendant 25 ans, la mesure est tout sauf fortuite. Il y a quelques semaines déjà, le nouveau directeur du Port, qui s’est senti largué, Arise n’ayant pas de compte à lui rendre en vertu de la Convention qui la lie à l’Etat, décide d’arrêter les travaux menés par l’entreprise sous prétexte de Covid-19. Une reprise en main qui ne dit pas son nom. Sans doute sur instruction venue d’en haut, en attendant d’y voir plus clair dans un dossier loin d’avoir révélé tous ses secrets. La commission d’enquête parlementaire y planche déjà et ses conclusions sont très attendues.

Pour l’heure, la Société de Développement des Infrastructures Portuaires (SDIP) se bat de toutes ses forces pour faire capoter la Convention qui, une fois aboutie, enverra tous ses membres vers une faillite inéluctable. C’est ainsi qu’elle vient de commander auprès d’un expert un rapport sur les ’’dangers’’ que cette convention fait peser sur le Port, les sociétés de manutention, les prix  et, par ricochet, l’attractivité de la destination Mauritanie. L’expert, qui sait de quoi il parle, relève, de prime abord, une contradiction flagrante entre  la loi et la Convention. Cette dernière stipule en son article 9.1.1 que ‘’pendant toute la durée de la concession, l’Etat s’engage à ce que le concessionnaire puisse librement et à sa seule discrétion fixer ou réviser les tarifs et ne pas interférer dans ce processus.’’ Et que dit la loi ? L’article 28 de la loi 2017-06 du 1er février 2017 relative aux PPP dispose que ‘’les tarifs applicables aux usagers et leurs modalités d’évolution sont fixés par la partie publique.’’

Un monopole de fait

L’expert se demande à juste titre comment peut-on déroger par des ententes contractuelles à un pouvoir de régulation réservé par des dispositions expresses et d’ordre public de la loi à la partie publique ? Question pertinente sans réponse jusqu’à présent.

Le rapport épluche par la suite les prix proposés actuellement par les manutentionnaires et ceux qui seront pratiqués une fois la Convention mise en œuvre. Ainsi, les prix proposés par Arise seront les suivants : 425-475 dollars pour les conteneurs 20 pieds à l’importation et à l’exportation remplis (contre 240 actuellement), 575-650$ pour ceux de 40 pieds  (contre 376), 1200-1500 $ pour les conteneurs réfrigérés (contre 425-475),  et 10$ par tonne de carburant débarquée (contre 0,674$).

L’augmentation n’affectera pas seulement les hydrocarbures, elle sera aussi importante pour les produits de première nécessité comme les huiles, le lait, les céréales conteneurisés, les conserves alimentaires, mais aussi les matériaux de construction, les vêtements neufs et usagés et tous les produits importés, s’inquiète l’expert. C’est pourquoi, selon lui, il faut ‘’s’inquiéter de l’incidence néfaste d’une telle tarification qui, loin de réduire les coûts, va les accroitre substantiellement et affecter même les équilibres macroéconomiques du pays.’’

Plus grave, l’expert évoque la durée de la concession et l’exclusivité que le PANPA considère comme ‘’excessives’’  et qu’Arise trouve ‘’parfaitement conforme avec la législation en vigueur  puisque contrairement à la plupart des contrats de ce type, elle ne bénéficie d’aucune exclusivité au sien du port de Nouakchott.’’  Un argument battu en brèche par les articles17.2.1 et 17.2.de la Convention qui disposent que ‘’le concessionnaire jouira d’une exclusivité totale dans un rayon de 25 kilomètres de Nouakchott’’ et  que ‘’l’Etat ne délivrera aucun autre permis ou autorisation notamment par la conclusion d’accord contractuels ou par le  transfert de titre foncier ou autrement à des tiers impliqués dans un projet ou une opération de développement concurrent qui pourrait compromettre la rentabilité du terminal…’’ Résultat des courses : l’Etat ne peut plus construire un terminal ou concéder sa construction à un opérateur dans un rayon de 25 kilomètres autour de Nouakchott pour les 25 prochaines années. Si ce n’est pas un monopole de fait, ça en l’air en tout cas.

Ben Abdalla

lecalame.info

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