Présidentielle : le Niger s’offre une transition pacifique inédite

Quelque 7,4 millions d’électeurs sur 23 millions d’habitants sont appelés aux urnes au Niger de 8 heures à 19 heures locales (7 heures-18 heures GMT). Le Niger, pays parmi les plus pauvres du monde à la démographie galopante, miné par des attaques djihadistes, élit ce dimanche un nouveau président Mahamadou Issoufou quittant le pouvoir pacifiquement après ses deux mandats constitutionnels.

« Passer le pouvoir en 2021 à un successeur démocratiquement élu (?) sera ma plus belle réalisation, ce sera une première dans l’histoire de notre pays », a souligné le président Issoufou dont le retrait a été unanimement salué sur la scène internationale, alors que de nombreux chefs d’État africains s’accrochent au pouvoir.

Bazoum, favori, se veut sur le sillon de Issoufou


« Si je suis élu, je serai le successeur d’Issoufou. Ce sera nos deux noms que l’histoire retiendra comme ayant fait en sorte que notre pays ait réalisé ce pari », affirme, cité par l’AFP, Mohamed Bazoum, bras droit d’Issoufou et grand favori du scrutin, espérant pérenniser les transitions démocratiques dans ce pays qui n’a jamais vu deux présidents élus se succéder depuis l’indépendance en 1960.

Âgé de 60 ans, cet ancien ministre de l’Intérieur considéré comme l’homme fort du régime vise une victoire dès le premier tour, ce qui n’a jamais été réalisé auparavant. « Après nous, c’est nous », dit un des slogans de campagne de Mohamed Bazoum. Fort de l’écrasante victoire du parti au pouvoir aux élections locales du 13 décembre, Bazoum, qui bénéficie de la machine électorale de son parti et de l’État, a promis de mettre l’accent sur la sécurité et l’éducation, notamment pour les jeunes filles alors que le pays détient le record mondial de fécondité (7,6 enfants par femme).

La « démocrature » critiquée sur fond d’insécurité


Malgré cette élection, l’activiste de la société civile Moussa Tchangari dénonce une « démocrature ». « Le retrait de M. Issoufou est simplement le respect de la norme, il y a d’autres normes à respecter pour être démocratique : les libertés et les droits ne sont pas respectés. Nous, activistes, nous avons fait des séjours en prison et les manifestations sont souvent interdites. »

Sur le plan sécuritaire, deux attaques meurtrières, une à l’Ouest (7 soldats tués le 21 décembre) où sévit régulièrement l’État islamique au Grand Sahara (EIGS), et une à l’Est revendiquée par Boko Haram (34 morts le 12 décembre), se sont produites à l’approche du scrutin. Les attaques incessantes des groupes djihadistes ont fait des centaines de morts depuis 2010, et fait fuir de leurs foyers des centaines de milliers de personnes (300 000 réfugiés et déplacés dans l’Est, près du Nigeria, 160 000 dans l’Ouest, près du Mali et du Burkina).

Une trentaine de candidats, un débat sur les personnes


Trente candidats sont en lice pour le scrutin, qui suscite « peu d’engouement » de la population, selon un connaisseur de la politique nigérienne. Cette source souligne l’absence de renouvellement de la classe politique, avec deux anciens présidents (Mahamane Ousmane et Salou Djibo) et deux anciens Premiers ministres (Seini Oumarou et Albadé Abouba) parmi les candidats, pour une moyenne d’âge de plus de 60 ans, dans un pays où la population est très jeune.

Une partie de l’opposition a choisi d’attaquer M. Bazoum sur son appartenance à la minorité arabe, bien qu’il soit incontestablement né au Niger. Pour Moussa Tchangari, il est « malheureux que le débat porte là-dessus et pas sur le bilan de dix ans au pouvoir d’Issoufou ». « Nous sommes dans un pays à la dérive, ça ne va pas au niveau sécuritaire, des libertés, du développement social, du système de santé, de l’éducation, de la corruption », affirme-t-il.

« Ce que l’on veut, c’est donner le pouvoir aux jeunes. Il faut que les vieux passent le flambeau maintenant », réclame Salamou Hassane, vendeuse de galettes à Niamey. « On n’a pas de sac de riz, on n’a pas de sac de maïs, c’est seulement avec les galettes que l’on peut nourrir la famille. Je souhaiterais que tout le monde bénéficie des bienfaits de la politique, parce qu’on ne pense jamais aux pauvres. »

Le Point Afrique

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