Sahara occidental : le Front Polisario et le Maroc sur le chemin de la guerre ?

Salmi Gailani est né en 1991, l’année où le Maroc a accepté un cessez-le-feu avec les rebelles du Front Polisario (FP) après presque deux décennies de guerre dans le Sahara occidental.

Malgré la paix, M. Gailani a grandi en exil. Il a passé son enfance dans des camps de réfugiés dans le territoire tenu par le Front Polisario près de la frontière algérienne et en Espagne.

Aujourd’hui, alors que le conflit entre les rebelles et l’armée marocaine risque de reprendre, M. Gailani affirme qu’il est temps de rentrer chez lui et de se battre.

« La guerre signifie la douleur, la mort — elle signifie beaucoup de choses qui font mal. Mais nous pensons que 30 ans sont plus que suffisants. Nous avons épuisé les moyens pacifiques« , explique-t-il à Euronews.

Le 13 novembre, des soldats marocains ont pénétré dans la zone tampon établie par les Nations unies près de Guerguerat, qui sépare le territoire du Sahara occidental contrôlé par Rabat de la « zone libérée » contrôlée par le Front Polisario, en violation du cessez-le-feu de 1991.

En réponse, le Front Polisario a décrété un « état de guerre » et a averti que des milliers de volontaires de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) étaient prêts à se battre. Dans les jours qui ont suivi, l’ONU — qui a demandé à Rabat et au Front Polisario de respecter le cessez-le-feu — a reçu des rapports sur plusieurs « incidents de tir » de part et d’autre, selon un porte-parole interrogé par Euronews.

Le Sahara occidental est considéré par certains comme la dernière colonie d’Afrique, les deux tiers de son territoire étant occupés par le Maroc depuis 1975. Le Maroc considère des pans entiers de cette ancienne colonie espagnole comme son territoire souverain, y compris son nord-ouest riche en phosphate. Dans le cadre de l’accord de paix de 1991, le Maroc a accepté d’organiser un référendum sur l’indépendance, ce qu’il n’a pas fait jusqu’à présent.

Des réserves de phosphate stratégiques ?

C’est un vote que, malgré l’émigration de dizaines de milliers de Marocains depuis les années 1970, Rabat perdrait presque certainement. Son occupation reçoit le soutien d’un certain nombre de ses principaux alliés arabes, dont l’Arabie saoudite et la Jordanie. La question n’est pas non plus de savoir si les réserves de phosphate sont au cœur de conflit, comme l’explique Jacob Mundy, professeur associé d’études sur la paix et les conflits à l’université américaine de Colgate.

Depuis que le Maroc a obtenu son indépendance en 1956, il existe une version selon laquelle le pays a été dépouillé par la France et l’Espagne de territoires qui auraient constitué un Grand Maroc, y compris le Sahara occidental et des parties de la Mauritanie, du Mali et de l’Algérie, également des colonies françaises. En 1963, le Maroc a donc envahi l’Algérie pour régler un problème de frontière et a subi une défaite humiliante.

Lorsqu’il a envahi le Sahara occidental en 1975, le gouvernement marocain a été confronté à un sérieux défi de la part d’une gauche politique soutenue par les succès de Houari Boumediene en Algérie, de Mouammar Kadhafi en Libye et de Gamal Abdel Nasser en Égypte. Nasser est mort en 1970, mais son socialisme panafricain continue d’inspirer des mouvements antimonarchistes dans toute l’Afrique, et dans le monde entier.

Ainsi, lorsque l’Espagne a annoncé qu’elle allait organiser un référendum sur l’indépendance du Sahara occidental – alors appelé Sahara espagnol – en 1975, le roi Hassan II du Maroc a réagi. En « reconquérant » le Sahara occidental, le roi a pu renforcer sa position et repousser l’opposition politique de gauche dans le pays. Aujourd’hui encore, selon le professeur Mundy, la récupération du Sahara occidental est une pierre angulaire de la légitimité de Rabat.

« C’est un élément de la foi nationale et les enfants marocains l’apprennent dès le premier jour. […]. Je soupçonne personnellement que de nombreux Marocains préféreraient la fin de la monarchie avant de devoir abandonner le Sahara Occidental« , ajoute-t-il.

La guerre contre le Front Polisario, cependant, a été coûteuse, notamment en raison de la militarisation du « mur » fortifié de 2 700 km que le Maroc a érigé de son côté de la zone tampon contrôlée par l’ONU. Même depuis 1991, le conflit avec le FP a gravement perturbé les échanges commerciaux, avec des manifestations bloquant les routes qui relient le Maroc à la Mauritanie.

Guerguerat, un point chaud ?

C’est l’une de ces protestations qui a provoqué le récent incident près de Guerguerat, où le 20 octobre, des manifestants sahraouis ont empêché des camions de circuler du Maroc vers le Sahara occidental et ensuite vers la Mauritanie. En réponse, le Maroc a menacé d’expulser les manifestants par la force, ce qu’il semble avoir fait le 13 novembre.

Mais pour le Front Polisario, la querelle ne porte plus sur les manifestations, mais sur un retrait total des Marocains du Sahara occidental. « La fin de la guerre est désormais liée à la fin de l’occupation illégale« , a déclaré lundi à l’AFP Mohamed Salem Ould Salek, représentant du FP.

Pour M. Gailani, l’exilé, il n’y a plus de retour en arrière possible, le seul issu est un conflit ouvert : « Nous sommes préparés à cela depuis plus de 30 ans […]. Nous n’avons jamais baissé la garde« .

Il ajoute que la communauté internationale doit être consciente que le Front Polisario est plus que disposé à reprendre la lutte armée, et que le récent incident de Guerguerat est « la goutte d’eau qui fait déborder le vase« .

M. Gailani reproche à l’ONU le fait que depuis 30 ans, le Sahara occidental est un conflit gelé, le peuple sahraoui ayant promis un référendum au Maroc qui n’a jamais eu lieu. « 30 ans, c’est assez long pour placer des urnes.« 

Par David Walsh  & Julie Gaubert  

euronews

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