Sénégal : dénonciation d’accords de pêche non responsable

Contrairement à certaines « croyances », le Sénégal n’est pas un « pays pauvre » en ressources halieutiques. Une mise au point que vient de faire MédiaTerre, le Système d’information mondial francophone pour le développement durable, qui analyse les précieuses données livrées par une enquête parue dans un journal local.

Alors qu’il réclame régulièrement l’aide de son voisin mauritanien, le Sénégal dispose de ressources halieutiques presque comparables !  

Dans les « Résultats généraux des pêches maritimes 2018 », rapport publié par le Bureau des statistiques de la Direction des pêches maritimes, les chiffres officiels montrent que « la production de la pêche maritime artisanale et industrielle (nationale et étrangère) s’élève, pour l’année 2018, à 524 851 tonnes pour une valeur commerciale estimée à 272,466 milliards de FCFA, soit 436,64 millions de dollars US. (…) La part de la pêche artisanale dans la production nationale représente 76%, soit 398 643 tonnes, et celle de la pêche industrielle 126 209 tonnes, soit 24% en valeur relative. Les captures de la pêche industrielle sont réalisées, pour l’essentiel, par la flotte nationale à hauteur de 94% et, dans une moindre mesure, par la flotte étrangère pour 6%. La production maritime est destinée à la consommation, à la transformation et à l’exportation ».

En plus de la surexploitation, avec l’octroi non raisonné de licences de pêche à des navires étrangers, le Sénégal souffre aussi de la pêche illégale pratiquée dans toute la zone (Guinée, Guinée-Bissau, Mauritanie, Gambie, Sierra Leone) quelque 114 navires chinois mis en cause dans 183 cas de pêche INN (illicite), parfois assimilée au crime organisé. 

En effet, les différents ministres de la Pêche et de l’économie maritime optent pour les mêmes pratiques politiques d’attribution de licences à des navires de pêche étrangers, russes, européens, chinois pour pêcher dans les eaux sénégalaises. Les ressources halieutiques sont destinées à la consommation, mais aussi à la « production de farine de poisson ».

Citant l’enquête qu’elle prend comme référence, MédiaTerre, indique que l’ONG Greenpeace Afrique avait déjà averti le ministre de la Pêche et de l’économie maritime, Alioune Ndoye, en poste depuis novembre 2019, de « choix inappropriés des politiques menées », ainsi que de la « non-application des textes réglementaires et documents stratégiques » au détriment des communautés locales de pêcheurs. 

Cette mise en garde pourrait-elle arrêter la marche vers l’avant que semble privilégier le gouvernement sénégalais dans l’attribution à grande propension de licences de pêche à des bateaux d’origine chinoise et turque dénoncée par le Groupement des armateurs et industriels de la pêche au Sénégal (GAIPES) ?

Malgré l’importance de la pêche pour les Sénégalais eux-mêmes poussant à demander des licences aux pays voisins comme la Mauritanie, l’accord de pêche avec l’Union européenne signé en 1979 a été reconduit plus de 20 fois. Pour le dernier APPD (Accord de pêche de partenariat durable), l’Union européenne insiste sur le caractère « responsable » et gagnant-gagnant de sa coopération avec le Sénégal.

Les APPD sont rendus opérationnels par le biais de protocoles de mise en œuvre. Dans le cas du Sénégal, le SFPA (acronyme anglais de « Accords de pêche bilatéraux avec les pays non membres de l’UE ») actuel a été conclu en 2014. Le protocole actuel à cet APPD couvre la période du 20 novembre 2014 au 19 novembre 2019. La contribution financière varie entre 

1 808 000 et 1 668 000 d’euros par an, dont 750 000 euros sont affectés à l’appui au secteur de la pêche au Sénégal. Ce protocole autorise les navires de l’UE de deux États membres – Espagne et France – pour pêcher avec 28 thoniers senneurs, 8 canneurs et 2 chalutiers dans les eaux du Sénégal. Les espèces autorisées sont des espèces hautement migratoires (thon et apparentés) et du merlu noir.

Le règlement de base de la PCP établit des exigences obligatoires d’évaluation ex post et ex ante pour les APPD qui constituent la base d’une éventuelle nouvelle directive de négociation. De cette façon, l’UE peut être sûre, entre autres, que les possibilités de pêche qu’elle négociera ultérieurement « sont conformes aux meilleurs avis scientifiques disponibles et n’épuiseront pas les stocks fragiles ni ne mettent ses navires en concurrence avec les pêcheurs artisanaux locaux qui dépendent des pêcheries côtières pour leurs moyens de subsistance et leur subsistance. » Les APPD thoniers n’autorisent pas les navires de l’UE à pêcher dans un rayon de 12 mille marins de la rive.

Pour l’UE, le SFPA avec le Sénégal fait partie du réseau d’accords en Afrique de l’Ouest et est particulièrement important en raison de la position de Dakar comme l’un des 3 principaux ports thoniers de cette région.

Sur 22 APPD avec des pays tiers, l’UE verse une contribution annuelle de 180 millions d’euros. Les principaux bénéficiaires sont la Mauritanie (59,125 millions d’euros), le Maroc (30 millions d’euros) et le Groenland (17, 847 millions d’euros).

 Mohamed Sneïba Correspondant permanent – Nouakchott

Afrimag

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