Surprise relativement surprenante : Trump défie le droit international au Sahara occidental: causes et conséquences

La déclaration officielle du président des États-Unis, Donald Trump, du 4 décembre, reconnaissant la «souveraineté» du Maroc sur «tout» le Sahara occidental constitue un changement RADICAL de la position des États-Unis face à ce conflit. Cette décision, d’une gravité extraordinaire, n’est que relativement surprenante et nous oblige à nous interroger sur les raisons de cette initiative clairement contraire au droit international.

INDICATIONS DE CE QUI S’EST PASSÉ  EN OCTOBRE…

La déclaration du président Trump n’est que relativement surprenante. Il y avait des indications que cela allait se produire, bien que d’autres indications semblaient certainement nier cette possibilité.

L’indication la plus claire que cela pourrait arriver est venue d’octobre 2020. Le 20 octobre, David Schenker, secrétaire d’État adjoint pour le Moyen-Orient, a reconnu que la reconnaissance de la «souveraineté» du Maroc sur le Sahara occidental avait été discutée. En échange de la «normalisation» des relations entre le Maroc et Israël, mais que «maintenant» la question n’était pas «sur la table».

Cependant, un jour plus tard, le journaliste israélien Barak Ravid a considéré que l’accord était «conclu» si Trump gagnait les élections.

II. … APPARAISSANT CONTRADICTOIRE AVEC DES INDICATIONS DE CONTINUITÉ

Cependant, ces indications semblent être niées par d’autres. Le 30 octobre (soit 10 jours après la déclaration de Schenker), le Conseil de sécurité a approuvé sa résolution 2548 sur le Sahara occidental. Lorsque cette résolution a été approuvée, la représentante des États-Unis a fait une déclaration expliquant son vote et disant plusieurs choses importantes réitérant la position nord-américaine, à savoir:

1) que le plan de pseudo-autonomie présenté par le Maroc pour le Sahara occidental était une approche «potentielle» pour résoudre le conflit;

2) que le conflit devrait être résolu par « négociation » « sans conditions préalables »;

3) que les parties devraient s’abstenir de prendre des initiatives « unilatérales » qui briseraient le « statu quo ».

Quatorze jours plus tard, le 13 novembre, le Maroc a pris une initiative unilatérale pour briser le statu quo et les accords militaires en envahissant une zone de Guerguerat, au sud du Sahara occidental. Face à cette agression, les États-Unis ont été étonnamment silencieux, puisqu’ils n’ont pas soutenu l’initiative, contrairement aux pays qui étaient «amis» du Maroc, ni ne l’ont censurée même implicitement, comme d’autres l’ont fait. Ainsi, jusqu’au 4 décembre, date importante, au cours de laquelle le secrétaire d’État, Michael R. Pompeo, dans une interview a désavoué implicitement l’intervention militaire marocaine, insistant sur le fait que le conflit ne doit pas être résolu par la force mais par la négociation.

Tout semble donc indiquer une continuité dans la position américaine.

III. LA DÉCLARATION DE L’ATOUT: UN ASPECT TRÈS ÉTRANGE.

Il y a un point particulièrement frappant dans la déclaration de Trump reconnaissant la «souveraineté» du Maroc sur «tout» le Sahara occidental. En effet, la déclaration est signée le 4 décembre … mais elle est rendue publique le 10 décembre.

Deux questions se posent:

1) Cette déclaration signée par Trump le QUATRIÈME DÉCEMBRE… contredit les affirmations de son secrétaire d’État CE MÊME JOUR. Cela révèle que le secrétaire d’État NE SAVAIT PAS CE QUI ÉTAIT SON PRÉSIDENT.

2) Cette déclaration signée le QUATRIÈME jour n’est rendue publique que sur le dixième. Parce que?

IV. LES RAISONS DE TRUMP: LES SPÉCULATIONS

Dans l’article susmentionné, publié, je le répète, le 21 octobre, Barak Ravid dit quelque chose, à mon avis, très important et qui rend ce qui s’est passé encore plus intrigant. Ravid avance deux hypothèses:

1) Si Trump GAGNE … prédit qu’il ferait … ce que Trump a fait le 10 décembre: « normalisation » Maroc-Israël et reconnaissance de la « souveraineté » marocaine sur le Sahara occidental.

2) Si Joe Biden gagne, le «deal» serait moins probable.

À ce jour (11 décembre), il y a un différend juridique et Biden n’a pas été officiellement élu, bien qu’il semble probable qu’il le soit.

Et puis il faut se demander pourquoi Trump fait cette déclaration alors que, en principe et pas encore officiellement, il a perdu.

Trois hypothèses pourraient être formulées:

1) Il essaie d ‘«acheter» un soutien dans le procès qui se déroule pour la présidence;

2) Il tente d ‘«acheter» l’impunité s’il perd (certains ont spéculé pour engager des poursuites judiciaires contre lui lorsqu’il quittera la présidence);

3) Essaye de faire faire du «sale boulot» à Biden.

Si l’hypothèse correcte est (1), nous la verrons dans quelques jours.

Si c’est (2) ou (3), nous le verrons dans quelques mois. Sinon, il est possible que (3) soit le paiement pour (2).

V. CONSÉQUENCES

Les conséquences sont énormes et peuvent nous affecter.

1) Tout d’abord, considérant que le Maroc est « souverain » dans « tout » le Sahara Occidental, il donne le feu vert à une attaque militaire marocaine contre le territoire libéré sous le contrôle de la République sahraouie fondée par le Front Polisario.

2) Deuxièmement, si l’Algérie soutient le Front Polisario (de manière prévisible, en principe) cela signifierait que, si le Maroc est cohérent, le soutien au Polisario devrait être un « casus belli » contre l’Algérie, ouvrant la porte au Maroc pour attaquer Algérie.

3) Troisièmement, en considérant le Maroc comme « souverain » sur « tout » le Sahara Occidental, les Etats-Unis donnent le feu vert au Maroc pour occuper Lagouira, la ville la plus méridionale du Sahara Occidental, désormais dépeuplée et sous contrôle mauritanien. Une occupation de Lagouira, une ville presque adjacente à la capitale économique de la Mauritanie, Nouadhibou, impliquerait une attaque directe contre l’armée mauritanienne.

4) Enfin, pour le Maroc, les eaux et le plateau continental du Sahara Occidental (avec la richesse qu’ils chérissent) deviendraient celles  du Maroc, mais étant donné que cette reconnaissance implique de priver l’Espagne d’une partie de ces eaux et de ce plateau continental, porte à un conflit guerrier entre le Maroc et l’Espagne.

CARLOS RUIZ MIGUEL

Source: periodistadigital

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