Transporteurs et chauffeurs de taxis : entre contraintes et opportunités

Les transporteurs et les chauffeurs de taxis se plaignent des mesures de prévention de la pandémie Covid-19, qui s’est répandue dans le monde, de la baisse des revenus subséquente et de la réticence de nombreux citoyens à utiliser le transport en commun de crainte d’être infectés. Certains n’arrivent pas à avaler la pilule de l’interdiction des déplacements pendant le couvre-feu.

D’autres, les coûts élevés de désinfection, le nombre limité de passagers, la cherté de l’assurance et du carburant, alors même que les voitures enregistrées sur des applications Internet ou ce qu’on appelle les ‘’Car-Up’’ apparaissent plus chanceuses dans cette crise.

Des chauffeurs de taxi de la capitale ont cessé de se concurrencer pour gagner plus de clients, lorsque leurs déplacements sur les routes ont diminué voire se sont estompés la plupart de la journée en raison du couvre-feu, et leur colère contre les propriétaires de voitures privées qui les harcelaient sur la route s’est calmée.

Si les propriétaires de transport interurbain semblent satisfaits parce que la circulation routière entre les villes n’est pas fermée cette fois-ci, ils connaissent toutefois une régression de leurs revenus car les gens hésitent à voyager l’après- midi en direction des villes éloignées de la capitale de peur d’être arrêtés avant de parvenir avant huit heures à destination.

Aussi sont-ils perplexes devant cette contraction de leur situation financière, d’autant plus qu’ils avaient des engagements, la plupart d’entre eux ont acheté leur voiture moyennant prêts avec des intérêts qu’ils jugent exorbitants au regard de leur statut et de leurs obligations (assurances, couverture sanitaire et sociale, et d’autres frais d’entretien et autres).

M. Brahim Ould Ahmed, 60 ans, chauffeur de taxi entre Nouakchott et Rosso, déclare: «Nous avons été touchés de plein fouet par cette pandémie. La charge des taxis a diminué de moitié, voire davantage, en raison de la fermeture des écoles et des établissements d’enseignement supérieur, en plus du chômage que la pandémie a entraîné. Les gens hésitent pour voyager et cette situation nous a obligés à réduire le nombre de départs quotidiens, et parfois nous manquons de travail parce qu’il n’y a pas assez de passagers pour faire nos voyages. Brahim, assis pensif, ajoute: « Nos entrées ont diminué de moitié voire plus, et nous ne sommes même plus en mesure de subvenir aux dépenses d’entretien et de carburant et autres » au moment même où les citoyens sont confrontés à un problème de mobilité.

M. Salem Ould Mahmoud, le propriétaire et chauffeur de taxi enregistré sur la ligne Nouakchott – Néma, indique avoir subi de lourdes pertes en raison de l’épidémie du coronavirus. Il était persuadé que l’interdiction de la circulation des personnes et des véhicules ne durerait pas plus d’un mois dans les cas les plus extrêmes. Or, elle s’est étalée sur environ une année.

« L’épidémie a détruit des familles entières, en particulier celles qui dépendent pour leur subsistance d’un métier artisanal ou manuel », a-t-il précisé dans une déclaration à l’AMI, appelant à allouer une subvention financière aux chauffeurs des taxis desservant les lignes interurbaines pour leur permettre de couvrir les dépenses d’une semaine de besoins familiaux.

Et de poursuivre: « moi-même et de nombreux collègues ont été contraints de travailler de manière illicite, loin des regards du personnel de l’Autorité de régulation des transports terrestres. Ainsi, nous avons effacé tous les panneaux officiels du taxi, et il s’est transformé en véhicule ordinaire, malgré les risques et les sanctions que cela peut entraîner … Mais avons- nous le choix ?

De nombreux propriétaires de taxi ont admis avoir opéré illégalement depuis le début de la pandémie afin de gagner leur vie.

Quant aux propriétaires de taxi entre les banlieues de Nouakchott, ils sont mieux lotis par rapport au reste de leurs collègues travaillant entre les villes, encore que la réduction du nombre de passagers de moitié, et l’augmentation du prix du voyage de moitié les pénalise, mais ils se plaignent du manque de clients qui préfèrent le taxi individuel car il les emmène seuls.

Mohamed, taximan à Nouakchott, affirme que le transport n’est plus ce qu’il était: «Nous ne transportons que quatre passagers en un seul voyage. Cela signifie que nos revenus ont diminué, ce qui a affecté nos obligations. Nous payons des acomptes mensuels et des assurances annuelles, ce qui pèse lourd sur nos épaules. En plus des frais encourus pour réparer les dommages qui peuvent survenir à tout moment, d’autant plus que certains véhicules de transport sont délabrés …

Il ajoute: «Il est vrai que l’absence de chaque passager signifie moins de risques d’infection, mais nous voulons travailler car le coût de la vie est exorbitant et nous avons des enfants à l’école, alors comment peut-on payer le loyer, et combien la personne qui travaille comme chauffeur et n’a pas de voiture gagnera-t-elle? La vérité est que les conditions de ces personnes sont devenues très difficiles avec la baisse de leurs revenus, sachant que de nombreux taximen travaillent toute la journée car le couvre-feu nous oblige de retourner chez nous très tôt.

Brahim, un autre taximan, a également déclaré: « Nous semblons être chanceux par rapport aux transporteurs interurbains, mais la réalité est autre chose. Le protocole imposé par les autorités compétentes pour reprendre l’activité est très strict, et il diminue le revenu. »

Ce protocole sanitaire comprend l’imposition de la distanciation physique entre les passagers et la disponibilité des désinfectants avec obligation de porter le masque tant pour le conducteur que pour le passager, et ne pas dépasser le nombre de passagers mentionné dans l’attestation d’assurance.

Il poursuit: «Je me livre souvent à des altercations énervantes avec les clients à cause des mesures barrières, pourtant nous sommes à l’aise par rapport à nos autres collègues, et je ne cache pas que j’ai traversé des circonstances difficiles ces derniers mois en raison de la paralysie de l’activité.

Les propriétaires de taxi individuels, ou ce que l’on appelle ‘’Car App’’, sont les principaux bénéficiaires de la quarantaine et du couvre-feu qui oblige les gens à se dépêcher de rentrer chez eux avant l’heure spécifiée, mais malgré cela, ils disent qu’ils souffrent également de mesures de prévention injustes et de risques. Ils disent qu’ils sont plus susceptibles d’être infectés car ils ne savent pas quels clients sont porteurs du virus.

Abdallahi, propriétaire d’un taxi individuel, dit qu’il travaillait la nuit et qu’il a appris où aller chercher ses clients dans les rues et les quartiers de la vie nocturne de la capitale, mais avec le couvre-feu, il a été forcé de travailler pendant la journée après la fermeture des salles de cérémonies et des restaurants nocturnes à partir de 20 heures.

Il ajoute qu’au début, il a eu du mal à s’adapter à la nouvelle situation, mais le grand problème auquel il fait face aujourd’hui plus particulièrement est qu’il a du mal à convaincre certains clients de porter les masques.

Les propriétaires de taxi individuels se plaignent du grand nombre de dépenses, qui sont devenues un fardeau qui réduit le bénéfice attendu, mais ils admettent qu’ils sont mieux lotis que leurs collègues travaillant dans d’autres taxis.

Mamadou, chauffeur de taxi étranger, a indiqué qu’il tenait à porter un masque, et à montrer la propreté de sa voiture en plaçant un désinfectant sur la tableau de bord pour rassurer les clients et se protéger, soulignant que l’acquisition de ce matériel a alourdi les charges financières qu’il encourt mensuellement, notamment dans les premières périodes de crise qui ont vu une hausse des prix de ces produits.

Le risque d’infection continue de menacer ceux qui empruntent le transport en commun, tels que les bus de toutes sortes et les petites voitures, surtout si les voyageurs ne respectent pas les mesures barrières telles que le port du masque et la distanciation physique.

AMI

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