Valéry Giscard d’Estaing, l’africain

Le Continent noir a été pour lui plus qu’une occasion pour la France de marquer son influence : une passion mais aussi une punition.

Valéry Giscard d’Estaing avait du continent africain, comme le précisait un de ses anciens conseillers à l’Élysée, « une approche presque sensuelle ». Giscard, c’est l’homme des sommets France-Afrique, qu’il n’a pas inventé mais qu’il a institutionnalisé. Six sommets en 7sept ans de mandat ! Et un continent qu’il a sillonné, labouré, façonné. A l’ancienne, bien sûr.

Parce quece président qui jurait que le principe de la présence française en Afrique était « non-ingérence et solidarité » a fait exactement l’inverse.

La chasse gardée du président…

Au sens propre – VGE chassait en Afrique – et au sens figuré de « pas touche » aux 14 anciennes colonies françaises et à son extension zaïroise. Il faut comprendre que lorsqu’il arrive au pouvoir en 1974, le monde en pleine Guerre froide.

L’Afrique est devenu un enjeu.Les États-Unis sont empêchés par leur défaite au Vietnam. La Grande-Bretagne, ruinée, peine à s’entremettre en Rhodésie (futur Zimbabwe). Enfin l’Espagne et surtout le Portugal se retirent piteusement d’Afrique.

En Angola, l’Union soviétique et Cuba s’engouffrent dans le vide laissé par Lisbonne. En 1976, c’est un régime prosoviétique qui s’installe à Luanda. Une défaite lourde pour l’Occident. C’est une occasion que Valéry Giscard d’Estaing ne laissera pas passer: il veutfaire de la France le « glaive occidental et anticommuniste »sur le continent noir où l’on ne parle plus de « Guerre froide »mais de »guerre fraîche ».

Les nombreuses interventions françaises…

Cinq fois la France est intervenue en un seul mandat de sept ans ! En Mauritanie, au Tchad, au Zaïre (deux fois, dont la fameuse « opération Bonite »qui a vu les paras de la légion étrangère sauter sur Kolwezi) et, bien sûr en Centrafrique. Pas mal pour quelqu’un qui, je le rappelle, faisait de la »non-ingérence » le cœur de sa politique africaine. C’est aussi l’époque desdernières décolonisations françaises, avec l’indépendance desComoresen 1975 et deDjibouti, en 1977.

On lui doit aussi la première visite officielle d’un président français en Algérie, en avril 1975. Même si l’Algérie, en Mauritanie, au Sahara occidental, au Zaïre, au Tchad auprès de la Libye, s’ingénie à contrecarrer les interventions françaises dans son « pré carré ».

La punition centrafricaine

C’est une affaire presque shakespearienne ! La Centrafrique est à la fois une perle géopolitique, puisqu’elle permet à la France d’être à son aise dans le dos de Kadhafi, non loin des champs de pétrole gabonais et en avant des ennuis zaïrois, et une passion: le président français y chasse régulièrement.

De plus, il connaît son dirigeant,Jean Bedel Bokassa, depuis 1970. C’est lui qui l’impose à ses pairs africains en organisant à Bangui, la capitale centrafricaine, le 2e sommet France-Afrique.Il lui passe tout.

Même le délirant couronnement du dictateur en empereur de Centrafrique en décembre 1977. Plus dure sera la chute de l’un comme de l’autre: le 21 septembre 1979, Bokassa est renversé par la France; le 10 octobre commence l’affaire des diamants.

Un article dans leCanard enchaînéévoquant une plaquette de diamant offerte à VGE; un silence méprisant de l’Élysée (« il faut laisser les choses basses mourir dans leur propre poison« ) mais le mal est fait, il est irréparable.

L’Afrique a donc été tout à tour sa passion, sa « chasse gardée » et sa punition.C’est le continent noir qui lui a donné une présence internationale incontestable et qui lui a, en même temps, fait perdre l’Élysée. Shakespearien, je vous disais !

France inter

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